Depuis le temps que je l'ai lu, il fallait bien trouver deux minutes pour vous en parler. Il s'agit de la dernière livraison de Douglas Coupland, ça mérite donc forcément au moins un coup d'œil. A mon sens, plus que cela même, car j'en fais un de mes romans marquants de 2007. On va dire dans le top 5, carrément (je suis ouf, je classe tout, je mets des notes et des posts it sur le frigo). Parce qu'il a beaucoup de bonnes choses ce roman, de belles idées... mais quelques moments creux et quelques couacs aussi... C'est du Coupland pur jus quoi, dans l'esprit, dans la forme, le full package... Enjoy!!!
Douglas Coupland
"The Gum Thief"
Roger, divorcé, la quarantaine bien sonnée, a échoué "agent de rayon" chez Staples (version originale de notre Office Dépôt). Un taf aliénant comme il en existe peu, un problème avec l'alcool, son passé et les relations avec les autres en général. Parmi la foule de paumés et de chair à travail du magasin, on trouve un panel de freaks intéressants. Dont Bethany, jeune fille attachante elle aussi en rupture tranquille: obèse, au look gothique, refusant l'Université, elle se planque chez Staples et s'enivre à déplacer sans fin des présentoirs Crayola. Le kif, quoi...
Et puis un jour, alors que tout se passe le plus normalement du monde dans cet enfer, Bethany tombe sur le carnet de notes personnel de Roger dans la salle de repos. Lorsqu'elle l'ouvre, elle réalise que ce vieux fou alcoolique écrit un roman à la première personne, dont la narratrice n'est autre autre que... Bethany elle même. Et curieusement, il vise assez juste. Bethany va être troublée et lui laisser un message dans ce même carnet. C'est le début d'une correspondance secrète et intime entre ces deux personnages un peu abimés.
Je ne vous raconte pas tout, mais le pitch est là, l'échange épistolaire de 'Roger la bouteille' et 'Bethany contre les vampires', qui va orienter l'écriture de la première nouvelle de Roger, "Glove Pond", vers une création plus ou moins à quatre mains. Et les personnages fictifs autant que leurs auteurs vont doucement évoluer.
Il y a beaucoup de choses à dire de ce roman, y compris de cette histoire dans l'histoire titrée "Glove Pond". De la bombe de balle à mon gout: trauma, alcool, étiquette sociale, déchéance, thérapie, pognon... Y a tout! Coupland depuis Génération X et Microserfs a toujours posé livres sur la pente savonneuse d'une société de consommation aveugle autant qu'absurde. On avait dans le dernier, Jpod le nez dans les rouages de notre société technogiquo-ludique histérique mettant en scène un troupeau de geeks frapadingues... et Douglas Coupland himself. Ici, dans "The Gum Thief", on lâche de le coté un petit peu jeuniste ou hype des étudiants en mal-être, ou autres nerds en marge pour attaquer de plein pied les messieurs tout le monde en fin de course, en lutte avec l'enseigne mastoc du roi dollar. On est dans une ambiance mi-France 3, mi-Delarue. Alors, c'est vrai que Coupland garde un lien avec des questions de djeunes, des questions existentielles d'orientation, de choix de vie et de 'destinés humaines' par l'intermédiaire du personnage de Bethany. Mais en lui collant un sur-maquillage noir, des fringues de cuirs et un bon surpoids, il se démarque nettement de son domaine urbain chic pour aller jouer dans la périphérie banlieue...Et là, chose intéressante, on bascule à Roger, qui se perd lui aussi dans un sacré bourbier, mais qui en plus, doit réussir à se convaincre que c'est déjà complètement foutu et trop tard pour rattraper le coup.
Et, en fait ça m'a plu. Le coté anticipation sociale, c'est aussi le constat triste du jour. Ce n'est pas que les gens qui font du sexe dans leur voiture avant de mourir dans un accident. Voir bien le présent c'est déceler les schémas de demain (paye ta phrase, on dira que j'écris sous l'emprise des docus sur Carlos, ok?). Il était visiblement heureux de ses procédés de mise en abime, un peu fastoches à mon sens, mais bon... Là il va encore plus loin, et avec plus de finesse, en changeant de narrateur toutes les pages, et tissant des connections habiles entre les héros des histoires primaires et secondaires que sont "The Gum thief" et "Glove Pond". Vous rajoutez à cela le caractère excitant d'observer la création d'une œuvre littéraire sous nos yeux ainsi que celui supra jouissif de lire comme un sale voyeur une conversation intime... Et bingo. [La scène des céréales dans la cuisine, un must. Et la navrante rupture amoureuse de Bethany, top]
Bref, alors on pourrait dire que ce n'est pas le meilleur Coupland. Certes. On a le droit. Mais pour moi c'est peut être le plus significatif d'un possible changement d'axe, peut être moins Pahlaniuk et un peu plus Vollemann.
A lire dès que ça sera traduit, ou avant, parce qu'on est des oufs malades...
Ou à visionner ici Douglas Coupland's homepage