5.10.06

Un petit prix qui sort du lot

Un prix étonnant, qui avait consacré Mongiève l'an dernier, et qui "cherchant à remettre la littérature au centre par un système tournant, [...] tentera de dissiper une certaine confusion dans l'échelle des valeurs littéraires, et de redonner aux textes de grands écrivains parfois esseulés dans un système ne consacrant que le chiffre, le goût de fruit défendu... Il privilégiera des styles, des écritures, des mots comme on n'en trouve plus que rarement sur le marché des mots."
Le prix Wepler-Fondation La Poste est doté d'une somme de 10 000 euros et d'une somme de 3 000 euros pour la mention spéciale qui récompense "une audace, un excès, une singularité résolument en dehors de toute visée commerciale". Un rêve quoi! En plus, il est composé d'un jury tournant :"des journalistes, des libraires, des lecteurs passionnés venant de tous les horizons, ainsi qu'une détenue de longue peine".

Sélection 2006 :
- Sylvie Aymard, Courir dans les bois sans désemparer, Maurice Nadeau
- Véronique Bergen, Kaspar Hauser ou la phrase préférée du vent, Denoël
- Alain Defossé, Chien de cendres, Panama
- Vincent Delecroix, Ce qui est perdu, Gallimard
- Jean-Hubert Gailliot, Bambi Frankenstein, Editions de l'Olivier
- Pierre Guyotat, Coma, Mercure de France
- Pavel Hak, Trans, Seuil
- Jacques Jouet, l'Amour comme on l'apprend à l'Ecole hôtelière, P.O.L.
- Jean-Louis Magnan, Les îles éparses, Verticales
- Héléna Marienské, Rhésus, P.O.L.
- Michel Schneider, Marilyn dernières séances,Grasset
Cet automne, l'idée de jury tournant paraît alimenter de vives polémiques... Je crains qu'elles ne soient suivies de peu d'effet en raison d'une constellation de privilèges ouvertement assumés auxquels beaucoup ne sont pas près de renoncer. Et on les comprend d'une certaine façon. Mais combien d'auteurs, d'éditeurs sont ainsi délibérément et fatalement écartés de cette fabuleuse dynamique des rentrées littéraires dont les prix sont un des enjeux importants ? Et quelle pénalisation de notre vie intellectuelle ! Et quel discrédit par rapport aux jurys de pays étrangers qui ont des pratiques tout autres et brillantes ! Sur ce plan-là, nous sommes loin d'être l'exception culturelle. Cette idée de jury tournant, minorée parce qu'elle dérange, ne se réduit pourtant pas à un jeu de chaises musicales comme dans ces vieux mariages de province. Elle a une dimension esthétique, politique, éthique. Ayant créé dans un appel d'air le Prix Wepler-Fondation La Poste, dont le fondement est un système de jury tournant, je peux témoigner, après cinq ans, de sa valeur et son excellent fonctionnement. L'engagement désintéressé de lecteurs et de professionnels qui n'envisagent pas une carrière de sociétaire des Lettres - et qui, par miracle, acceptent de laisser leur siège au bout d'un an !- garantit une fraîcheur, une liberté dans la prospection des livres, une sincérité de jugement, et la surprise du résultat. Le renouvellement du jury favorise, d'années en années, un principe évident de liberté et de diversité du goût, et permet d'échapper à la sclérose du groupe qui, sur la durée, comme dans les vieilles familles, finit par attribuer à chacun un rôle.
En remettant la littérature au centre du débat, ce sont de nouveaux livres qui s'imposent, de nouveaux éditeurs, et non pas des jurés peu affranchis d'une logique de réseau.
Ce système de jury tournant n'est finalement qu'une question de volonté, bien sûr. C'est recréer les conditions de l'aventure littéraire. C'est se redonner, une fois encore, la chance de l'Inconnu. Allez Messieurs les jurés, lâchez prise !
Article de Marie-Rose Guarniéri

Contacts :
Librairie des Abbesses
30 rue Yvonne Le Tac
75 018 Paris
01 46 06 84 30

Prix[at]wepler.com

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