5.10.08

La guerre des mondes... de Gorki


Gorki sonne le glas

Notre cher Maxime Gorki n'était pas juste le sosie officiel de Frédéric Thiriez avant l'heure. Il fût également un des auteurs russes du début XXème les plus engagés sur la voie sociale: issu de la classe laborieuse et autodidacte, il s'est vite rapproché de la scène politique pour apporter sa pierre à l'édifice révolutionnaire. Gorki n'est pas à proprement parler auteur russe classique, dans le texte comme dans l'élaboration de son œuvre. Même s'il fut proche de Tchekov ou Tolstoï, on peut clairement considérer qu'il était original. Ouais, même carrément original.

Parmi ses nombreux écrits, on trouve une pièce particulièrement engagée qu'il rédigea en prison en 1905, "les Enfants du Soleil". Pour résumer rapidement: un petit groupe d’intellectuels animés par de grands idéaux, disserte avec passion d’un monde meilleur -l'art, le beau et le bon pour l'homme... -Un discours de grandes et belles intentions. Seulement, autour de la datcha la gronde populaire monte; entre épidémie de choléra et misère paysanne du début de siècle, l'atmosphère s'alourdit. Entre ces deux mondes qui pourtant cohabitent, un fossé se creuse irrémédiablement… Alors comment vivre ensemble ? Et avant cela, comment se comprendre?

Le texte de Gorki est un mélange assez étonnant et critique, de l'absurdité des discours auxquels pourtant il adhère, et le monde populaire dont il entend la plainte et dont il est issu. Forts de personnages tantôt tragiques, tantôt loufouques, la pièce oscille entre le drame et l'humour.
Le mieux pour en parler, c'est peut être de laisser la parole au metteur en scène des "Enfants du Soleil", actuellement au Théatre de l'Ouest Parisien.



La traduction du texte, inédite, est l'œuvre de André Markowicz. Mettre la main dessus n'est pas idiot. Mais le mieux reste sans nul doute d'aller jeter un œil à Boulogne, pour voir un spectacle vivant et fichtrement bien ficelé. On ne sent pas passer les 2h30. Une vraie belle idée. Un spectacle foisonnant mené à un train d’enfer par les douze comédiens du Théâtre du Fracas ... sur un texte qui résonne étrangement juste, encore aujourd’hui.







8.8.08

Swing wing

Avec cette chaleur, on est bon à rien, c'est donc l'occasion de ne rien faire...

Mieux, plutôt que ne rien faire, choisissons d'en profiter pour faire n'importe quoi...

Et aujourd'hui, le Swing wing!!!



C'est LE loisir pour cette fin d'été 2008...

2.8.08

Soudain j'ai vu, voler les oies sauvages

Les documentaires animaliers, c’est comme la Hagen Daas : tu commences doucement sans vraiment en avoir envie… et tu finis 2h plus tard, défoncé sur le canapé, en te questionnant sur le sens de la vie. Moi ça me fait ça. Toujours surpris et toujours honteux lorsqu’il est trop tard.

La midnight chocolate cookies et son sirop chocolat, ou les loutres amazoniennes dévoreuses de piranhas, même combat. Ça me retourne et me laisse comme l’ex-femme de Bruce Willis : à Demi Mort. C’est un vrai problème : de volonté, de maturité ou même d’intelligence, mais c’est ainsi . Mon côté enfantin diabétique qui s’exprime. Je fuis les programmes de la 5ème à l’heure du goûter, je zappe le rayon surgelé du Monoprix. Mais parfois, fragile petite chose, je tombe. Et si, sur certains parfums exotiques à base de citron vert ou de noix de pays lointain, je peux faire quelques grimaces avant de tremper la cuiller, pour ce qui est du documentaire animalier, je peux accepter des plans fixes de fourmilières pendant 10 min, des scènes d’amour torrides entre campagnols du Saskatchewan ou même supporter cette monstrueuse voix off de star déchue dont on ne se souvient plus vraiment, mais qui reste attaché aux souvenirs, ou pire, la voix nasillarde d’un agaçant québécois jovial, qui vous racontent avec passion des choses aussi insipides que la sanglante lutte des classes entre doryphores dans les déchets ménagers en milieu urbain. Même ça, je prends.

C’est pour cela que lorsque j’ai commencé « La Chambre des Echos », de Richard Powers – un magnifique roman dont le cadre est la migration d’oies sauvages au-dessus de marécages Nord Américains du Nebraska-, ben instinctivement j’ai foncé au congélo faire un casse. Et devinez ce qui m’a laissé le plus anéanti après ce combo autodestructeur littérato-glucidique? Les pépites de chocolat sous le caramel? La stupéfaction de découvrir la fusion du Masque et la plume et de National Geographic… ou bien encore le désir irrépressible de donner une deuxième chance à Julia Roberts et sa fadasse Affaire Pélican? Les trois mon général.

Mark Shulter est un bon garçon du Nebraska : il ne s’est pas embêté à faire de longues études, et personne n’y a trouvé à redire. Ni sa mère, parfaite intégriste de l’Eglise locale en dissidence, ni son père décédé. Seule sa sœur, archétype de la réussite du tardif vilain petit canard éclos à la ville, a toujours cela un peu dommage, tant son frère était futé. C’est le mot : pas brillant ni courageux, mais juste un de ces petits ricains moyens, avec un grand sourire, l’œil vif, portant fièrement casquette, chemise écossaise et doudoune sans manche. Une sorte de Mac Gyver dilué dans la Bud Light, sans la coupe moche, aimant sa console et les copains, et un brin moins psychotique du canif suisse que le modèle d’origine. On sent bien que tout ne roule pas au mieux au pays des migrateurs à plumes, mais on se débrouille.
Puis c’est l’accident : le grand Mark se met au talus un soir, au volant de son superbe truck tunné par ses soins. Dans des conditions peu claires, qui plus est. Mais le résultat est là : la taule, le choc, le froid pendant des heures et le comas…
Il s’en sort miraculeusement, transformé à jamais. Sa sœur également, prendra l’accident en pleine figure. On apprendra a découvrir les forces et faiblesses insoupçonnées de notre cerveau, lorsqu'il est rendu marmelade et qu'il se réeduque. On apprendra à connaitre le professeur de neurosciences, un quinqua pas vraiment à l'aise avec son métier, en questionnement... qui profitera du syndrome Capgras donc Mark est atteint, pour se relancer dans son milieu et reprendre gout à ce qu'il fait.
Bref... un superbe livre, qui vous épluche la conscience comme on pèle un oignon, sur fond d'Amérique profonde et de nature en danger. Un livre bien, qu'on aurait aimé aussi brillant que le précédent, "le Temps où nous chantions",
mais on n'a pas toujours ce qu'on veut.
Je vous laisse à vos lectures. Les oiseaux se cachent pour mourrir, moi je me planque pour bouquiner. Bonnes vacances!

22.6.08

Etre bohème, c'est sentir des pieds

Les beaux jours ont fichus le camp aussi vite qu'ils étaient venus. Ce n'est pas ben grave en soit, en fait. On se dit juste qu'on attendra le tube de l'été jusque septembre prochain, et on patiente en imaginant les pique nique sauvages aux bords du canal à dégoiser de la crise d'automne du PSG avec un brin d'avance. Mais, force est de reconnaître que le quotidien en a pris un petit coup: le cadre a bougé sensiblement. Le TER Picardie s'est vidé des ses écoliers et trimballe maintenant une poignée de poilus vers les tranchées de navets qui les attendent, les gouttes s'évadant sur les vitres grasses. L'air est lourd et la chemise colle.
C'est le moment idéal pour écouter des choses pas trop mal, en lisant des trucs pas trop nuls. Donc on a fouillé dans ses cartons, et on a retrouvé des petites pépites d'authenticité près desquelles on était passé trop vite. Je veux vous parler du disque de Soltero, "You 're no dream". Un mec épatant, une histoire touchante. Des textes vrais et un voix juste éraillée ce qu'il faut pour éviter la pale copie d'un Dylan francophile. Le mec est folk, il écorche autant qu'il s'est fait écorché. Ses chansons valent l'abonnement carte fréquence grand voyageur.
Bercé par le roulis, la joue sur le feutre rèche des sièges vert clope, on respire l'acier des freins et on s'endort le ventre barbouillé. On voit mieux sans le soleil dans les yeux. Et on voit mieux tout seul, aussi. Mais on voit surtout carrément mieux les paupières closes... On oublie le Soltero du Pop'In pour l'imaginer en paysage 16/9ème.



"Un mec tout seul. Il se ballade avec sa guitare en plein Limousin. Il a l'air de se cailler, dans le vent cinglant, malgré son bonnet péruvien et son pull en poils de chèvres. Oui, ça sent les ajoncs trop humides et la mousse trop sèche. Il voudrait jouer un petit quelque chose, mais avec ce vent, autant laisser tomber. Il se contente de s'assoir sur un rocher, se déchausse et se masse les bout des pieds: deux heures de marche au milieu des vaches pour arriver là, au centre du rien, et on s'aperçoit qu'on n'a même pas pris son briquet, et qu'on a lutté 5 min pour se rouler cette cigarette inutile... Soudain, il réalise que l'odeur étrange, ce n'est pas l'automne, ni même la ferme plus bas, mais juste ses pieds. Ce mec est un vrai poète, et il vient de s'en rendre compte: être bohême, c'est sentir de pieds"

Soltero - Out at the Wall



Soltero - Lemon Car




Des liens:

15.6.08

Back dans les bacs

L'immobilier à Paris n'est plus un débat, une source de questions et de problèmes ou même une préoccupation localo-nationale: c'est devenu l'identité de la ville elle-même... Paris, c'est y vivre, et être à Paris, c'est se claquer le luxe de pouvoir y crécher. Tout le monde ne le peut pas.
Et comme les quartiers changent logiquement en fonction de ses habitants, c'est toute la ville qui se transforme: le bourgeois est la norme et côtoie le super-bourgeois. Petit quartier populaire en voix d'extinction cherche reprenneur pour reprise en douceur, commerces de quartiers, jeunes couples, et retraités intéressés...

Et ce lifting violent et inéluctable que se prend la ville est réparti à l'égal dans toutes les directions et sur tous les quartiers. Tous, quoi que, ... pas complètement. Il existe des ilots qui n'intéressent pas encore les promoteurs et les que les politiques regardent encore du coin de l'œil sans trop oser y foutre le nez. C'est le cas de la rue Myrha.

Ce petit morceaux de bruit, de vie et de bazar est coincé entre Barbes et La Chapelle. On peut encore y voir vibrer un Paris populaire, plein de couleur et qui ne sent pas encore trop Les Inrocks ou Telerama (quoi que, y a le truc des burgers en haut...). Mais bref, cette rue, c'est tout ce que j'aime dans le XVIIIème: le coté pas simple et pas évident, un brin crade et gueulard, la rue qui t'attire autant qu'elle te repousse. Une rue vivante qui n'intéresse pas grand monde, qui galère un maximum, mais qui fonctionne... entre vente de volaille vivante, atelier de couture et deal de médocs. Les rapports y sont plus justes qu'ailleurs, mais pas forcément plus rigolos.

Et qui va disparaitre, bien sur, envahie de bobos, dont je suis avec force un des ambassadeurs...

C'est pas étonnant que Soan & Azel en aient tiré un titre terrible, au rythme enivrant et au texte tranchant... Le résultat est étonnant, le pétillant et l'amertume d'une Ginger Ale à 20° , avec quelque chose d'assez peu définissable, d'oriental et même d'onirique ... La rue Myrha, en quelque sorte...



Vinyl SA- "La rue Myrha"
2 juil. 2008
Abracadabar
28 août 2008
Sortie de la compil Rock en Seine avec Vinyl S.A.
15 sept. 2008
Trabendo

17.1.08

Qui vole une gomme, s'envole homme ...


Depuis le temps que je l'ai lu, il fallait bien trouver deux minutes pour vous en parler. Il s'agit de la dernière livraison de Douglas Coupland, ça mérite donc forcément au moins un coup d'œil. A mon sens, plus que cela même, car j'en fais un de mes romans marquants de 2007. On va dire dans le top 5, carrément (je suis ouf, je classe tout, je mets des notes et des posts it sur le frigo). Parce qu'il a beaucoup de bonnes choses ce roman, de belles idées... mais quelques moments creux et quelques couacs aussi... C'est du Coupland pur jus quoi, dans l'esprit, dans la forme, le full package... Enjoy!!!


Douglas Coupland
"The Gum Thief"


Roger, divorcé, la quarantaine bien sonnée, a échoué "agent de rayon" chez Staples (version originale de notre Office Dépôt). Un taf aliénant comme il en existe peu, un problème avec l'alcool, son passé et les relations avec les autres en général. Parmi la foule de paumés et de chair à travail du magasin, on trouve un panel de freaks intéressants. Dont Bethany, jeune fille attachante elle aussi en rupture tranquille: obèse, au look gothique, refusant l'Université, elle se planque chez Staples et s'enivre à déplacer sans fin des présentoirs Crayola. Le kif, quoi...
Et puis un jour, alors que tout se passe le plus normalement du monde dans cet enfer, Bethany tombe sur le carnet de notes personnel de Roger dans la salle de repos. Lorsqu'elle l'ouvre, elle réalise que ce vieux fou alcoolique écrit un roman à la première personne, dont la narratrice n'est autre autre que... Bethany elle même. Et curieusement, il vise assez juste. Bethany va être troublée et lui laisser un message dans ce même carnet. C'est le début d'une correspondance secrète et intime entre ces deux personnages un peu abimés.
Je ne vous raconte pas tout, mais le pitch est là, l'échange épistolaire de 'Roger la bouteille' et 'Bethany contre les vampires', qui va orienter l'écriture de la première nouvelle de Roger, "Glove Pond", vers une création plus ou moins à quatre mains. Et les personnages fictifs autant que leurs auteurs vont doucement évoluer.

Il y a beaucoup de choses à dire de ce roman, y compris de cette histoire dans l'histoire titrée "Glove Pond". De la bombe de balle à mon gout: trauma, alcool, étiquette sociale, déchéance, thérapie, pognon... Y a tout! Coupland depuis Génération X et Microserfs a toujours posé livres sur la pente savonneuse d'une société de consommation aveugle autant qu'absurde. On avait dans le dernier, Jpod le nez dans les rouages de notre société technogiquo-ludique histérique mettant en scène un troupeau de geeks frapadingues... et Douglas Coupland himself. Ici, dans "The Gum Thief", on lâche de le coté un petit peu jeuniste ou hype des étudiants en mal-être, ou autres nerds en marge pour attaquer de plein pied les messieurs tout le monde en fin de course, en lutte avec l'enseigne mastoc du roi dollar. On est dans une ambiance mi-France 3, mi-Delarue. Alors, c'est vrai que Coupland garde un lien avec des questions de djeunes, des questions existentielles d'orientation, de choix de vie et de 'destinés humaines' par l'intermédiaire du personnage de Bethany. Mais en lui collant un sur-maquillage noir, des fringues de cuirs et un bon surpoids, il se démarque nettement de son domaine urbain chic pour aller jouer dans la périphérie banlieue...Et là, chose intéressante, on bascule à Roger, qui se perd lui aussi dans un sacré bourbier, mais qui en plus, doit réussir à se convaincre que c'est déjà complètement foutu et trop tard pour rattraper le coup.

Et, en fait ça m'a plu. Le coté anticipation sociale, c'est aussi le constat triste du jour. Ce n'est pas que les gens qui font du sexe dans leur voiture avant de mourir dans un accident. Voir bien le présent c'est déceler les schémas de demain (paye ta phrase, on dira que j'écris sous l'emprise des docus sur Carlos, ok?). Il était visiblement heureux de ses procédés de mise en abime, un peu fastoches à mon sens, mais bon... Là il va encore plus loin, et avec plus de finesse, en changeant de narrateur toutes les pages, et tissant des connections habiles entre les héros des histoires primaires et secondaires que sont "The Gum thief" et "Glove Pond". Vous rajoutez à cela le caractère excitant d'observer la création d'une œuvre littéraire sous nos yeux ainsi que celui supra jouissif de lire comme un sale voyeur une conversation intime... Et bingo. [La scène des céréales dans la cuisine, un must. Et la navrante rupture amoureuse de Bethany, top]

Bref, alors on pourrait dire que ce n'est pas le meilleur Coupland. Certes. On a le droit. Mais pour moi c'est peut être le plus significatif d'un possible changement d'axe, peut être moins Pahlaniuk et un peu plus Vollemann.

A lire dès que ça sera traduit, ou avant, parce qu'on est des oufs malades...
Ou à visionner ici Douglas Coupland's homepage

9.1.08

La formule de Taylor avec reste intégral

Un an déjà...

"Bonjour, je suis Richard Taylor.

Je suis Richard Taylor et je vais disparaitre.
Disparaitre, oui... et sans un bruit. Simplement, comme ça, m'effacer et ne rien laisser derrière moi. Ou du moins pas grand chose.

Oh, ce n'est pas que je le souhaite, ou que je m'en réjouisse, mais , voyez, c'est maintenant inexorable... Aussi vrai que je m'appelle Richard Taylor, je vais bientôt quitter cette existence. Il est déjà inconcevable de faire autrement.

Certains d'entres, vous se demandent peut être pourquoi ou comment on peut en être réduit à de telles extrémités. Si je vous le racontais, vous ne me croiriez pas. Je vais laisser les autres vous expliquer tout ça... Mais une chose est sure, c'est qu'un retour en arrière est impossible. Pour moi comme pour vous. Car vous êtes tout autant Richard Taylor que moi. On a tous plus ou moins choppé le même modèle de costard lors de la grande distribution. Moi je fais un petit Richard Taylor taille 52.

  • A tous les mercenaires de l'aquarium,
  • A toutes les vistimes du tube à devenir
  • A moi aussi, même si le salut semble mal barré
  • Et à mon père, Richard Taylor Senior par excellence..."



La disparition de Richard Taylor

* Arnaud Cathrine
* Editions Verticales.
* 208 p/ 17,50€

2.1.08

Granta n°100

Avant de passer complètement à 2008, un petit clin d'œil en forme d'hommage à ce qui se fait de meilleur en revue littéraire (ou presque, histoire de ne froisser aucun égo).
C'est le 100ème numéro de Granta et comme souvent, cela semble être un petit bijou. Un bon bout de chemin parcouru, comme on dirait si on écrivait au Parisien. Alors pour ceux qui ne savent pas trop à quoi Granta ressemble, et ce que cette revue à de spécial, un petit flashback est nécessaire.

(Voix off de Philippe Manoeuvre) On est en 1889, à Cambridge, et les étudiants en lettre s'emmerdent en attendant le rock'n roll. Ils lancent entre deux cours de latin un périodique fourre tout, où on retrouve des edito politiques autant que des bouts de nouvelles ou des morceaux choisis de courrier du coeur. Pas de quoi fouetter un chat, me direz vous, fut-il english. Et vous avez tort les petits clous. Parce que même sous cette forme un peu brouillon et austère, on découvrira les premières phrases de futurs noms de la littérature brittone, comme Frayn, Simpson ou Smith. Mais là n'est pas la question, puisque ça, c'était le passé et que Granta va mourir de sa belle mort presque un siècle après, sous l'effet lent mais irrémédiable des acides des années 70. Fatiguée et en fin de vie financière, ça sent méchamment le sapin. Mais, comme dans toutes les bonnes histoires, c'est lorsque tout est foutu et qu'il ne reste pas grand chose d'autre qu'un esprit fantomatique historique, qu'une poignée de gens bizarres se retroussent les manches en disant " Non, c'est pas possible, on peut pas laisser mourir Granta comme ça, à cause de la mollesse de ces beatniks fumeurs de beuh. Steve, rallume les rotatives, on va tout faire péter*". (* ndlr traduction approximative pour cause de reste de champagne). Et c'est donc en 1979, que renait de ces cendres la revue littéraire, mais ce coup ci, avec une ligne éditoriale clairement orientée "nouvelle écriture". En british, ça veut dire "ferme les yeux Mamie, ça va couper la moutarde". Et depuis 79, on peut dire que Granta a sacrément fait du chemin (clin d'œil au Parisien, wesh) puisque de petite revue moribonde en rééducation poussive, elle s'est vite retrouvée première dénicheuse de pépites et a même maintenant après 27 ans de travail acharné, un statut très digne de baromètre autant que de jury du roman anglo-saxon, en Angleterre aussi bien qu'Outre Atlantique. La référence des références. Un Granta award c'est grosso modo la grosse classe quoi. Moi j'y ai lu mes premiers morceaux de Zadie Smith ou de Safran Foer. Alors quoi de plus normal que de voir pour ce numéro anniversaire les noms de Boyd, Amis, Rushdie ou McEwan...

Cela ne vous donne toujours pas vraiment une idée ce qu'il y a dedans. Je laisse la parole à Simon Garfield, du Guardian: What's Granta? I could have given him the usual: about how it was a river in Cambridge, or the upper part of one, and its name spawned a student magazine that began in 1889 and was revived in the late 1970s. I could have said that this magazine became home to some of the best writing in the English language, and was edited for half its life by a man, Bill Buford, described to me as 'a crazy, inspiring, absolutely absurd lunatic'. But instead I said: 'It's a literary magazine, but it looks like a book.'



Pour plus d'info, tout est là:
et là http://www.bestyoungnovelists.com/