23.8.06

Rentrée littéraire sociale? Inch' Allah...

On annonce une rentrée littéraire "Le retour du social" avec dans les "[...] premières lectures, premières tendances : les jeunes romanciers semblent revenir à la fiction pure et puisent leur inspiration dans le malaise social : chômage, violence, crise des banlieues... Sans oublier l'univers des paillettes et de la télévision." -Livres Hebdo.

Moi ça me fait bien marrer. Faire du neuf avec du vieux. La crise des banlieues, il n'en a jamais été question. Personne n'en parle autrement que pour se faire peur. Aucun regard franc, intérieur ou même responsable. Ou alors on se roule dans la bon dieuserie, mêlant pitié et walt disney...
L'article de février dernier d'Alain Mabanckou m'avait déjà conforté dans l'idée. Depuis, j'ai effectivement lu Faïza Guene... et ça vaut le coup, c'est fin, drôle et surtout impressionnant de talent. On va éviter de tomber dans le cliché de l'autofiction, en lui reconnaissant une force incroyable de volonté pour sortir de sa banlieue à la force de la plume. Les gens sont perf parfois...


KIFFE KIFFE DEMAIN
Faïza GUÈNE

Editeur : Hachette Littératures
193 pages/ 16 Euros
Kiffe kiffe demain est le roman autobiographique de Doria (et pas Faïza, bande de nases), une lycéenne de 15 ans, vivant seule avec sa mère dans une cité de la banlieue parisienne à Livry-Gargan. Il y a quelques mois, son père est rentré au Maroc, l'abandonnant avec sa mère, femme de ménage dans un Formule 1 de Bagnolet.

Kiffe kiffe demain pourrait être un livre désespéré. En relatant un an de la vie de Doria, Faïza Guène dresse au contraire une galerie de portraits pleine d'humour et de poésie.

Il y a la mère de Doria, tout d'abord, véritable soleil dans sa vie. Et puis son pote Hamoudi, ex-taulard, prince de la débrouille et poète à ses heures, avec qui Doria discute des heures dans le hall de son immeuble.(C'est surtout un mec qui fume trop dans le hall 32). Mme Burlaud, sa psychologue, " qui met des porte-jarretelles et sent le parapoux mais qui est quand même gentille ". Les assistantes sociales envoyées par la mairie et qui défilent à la maison toujours parfaitement manucurées. Nabil, le nul qui lui donne des cours particuliers et lui vole son premier baiser. Ou encore Aziz, l'épicier escroc à la petite semaine du Sidi Mohamed Market avec qui Doria voulait caser sa mère... mais qui s'est marié sans les inviter. " De toutes façons, maman et moi, on s'en fout de pas faire partie de la jet set ", se rassure l'héroïne.

Le ton du livre est là, entre humour désespéré et formidables élans de fraîcheur. Doria navigue au milieu de ces personnages comme elle navigue dans sa vie : avec l'innocence de ses 15 ans et l'assurance d'une fille trop intelligente pour ne pas infléchir son destin.
Un extrait pour la route:

"C' est lundi et comme tous les lundis, je suis allée chez Mme Burlaud. Mme Burlaud, elle est vieille, elle est moche et elle sent le Parapoux. Elle est inoffensive mais quelquefois, elle m'inquiète vraiment. Aujourd'hui, elle m'a sorti de son tiroir du bas une collection d'images bizarres, des grosses taches qui ressemblaient à du vomi séché. Elle m'a demandé à quoi ça me faisait penser. Je lui ai dit et elle m'a fixée de ses yeux globuleux en remuant la tête comme les petits chiens mécaniques à l'arrière des voitures. C'est le lycée qui m'a envoyée chez elle. Les profs, entre deux grèves, se sont dit que j'avais besoin de voir quelqu'un parce qu'ils me trouvaient renfermée... Peut-être qu'ils ont raison, je m'en fous, j'y vais, c'est remboursé par la Sécu. "

Et cette phrase là parce que j'aime bien.

"Le destin, c'est la misère parce que t'y peux rien. Ca veut dire que quoi que tu fasses, tu te feras toujours couiller."

Enfin vous dire qu'est sorti aujourd'hui DU RÊVE POUR LES OUFS le dernier roman de Faïza Guene, à lire.


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