28.1.07

Le réflexe de Pavlov

A partir de 1889, un physiologiste Russe, Pavlov, tenta, de montrer le caractère reflexe d'actions sous impulsion de stimuli volontaires. En gros, il accomodait son chien au son de la clochette précédent le repas, pour arriver, par conditionnement, à le faire saliver au simple son de cette clochette, sans qu'aucune nourriture ne soit présenter. Une façon étonnante de créer un comportement par apprentissage et habitude lorsque le cerveau fait les liens entre le stimulus et l’action qui suit. Un pied de nez aux premiers psychologues partagés entre l'inné et l'acquis. Une histoire marrante, de recherches énormes qui ne furent traduites en anglais que très tard, et mal, ce qui ne rendit pas grâce au boulot du bonhomme. (Plus d'info sur Ivan Petrovitch Pavlov sur Wiki ). Bref, je trouve l'idée étonnante, de transformer en reflexe, donc sans passage par la raison, l'éxécution d'actions, pour peu qu'on vous muselle, qu'on vous écrase par l'habitude, en un mot, qu'on vous conditionne.
Presque un siècle plus tard, une Russie cocotte minute, devait faire fasse à une catastrophe sans précédent, avec l'explosion d'un réacteur nucléaire de la centrale de Tchernobyl en Ukraine. Moment tragique et bilan humain désastreux, mais les autorités d'alors ont tenté, par conditionnement, entre autre, de mettre une chappe de plomb sur tout ce qui c'est produit là-bas. On a essayer d'étouffer la gravité de l'accident, puis d'étouffer les souffrances des victimes autant que d'étouffer le souvenir.
Cyrille Putman sort aujourd'hui un roman flash, dont le personnage central, un Pavlov lui aussi, subit la fatalité toute russe du destin des victimes de Tchernobyl, dans la souffrance, la rage et l'acceptation volontaire de l'horrible épreuve, munis simplement d'un appareil reflexe. C'est le recit de la naissance d'un artiste mondial de la photo sur les cendres radioactives d'une catastrophe.

Bilan provisoire
de Cyrille Putman

Calmann-Lévy
17 €/320 pages


Pavlov grandit dans le spectre de la catastrophe de Tchernobyl où son père, surveillant à la centrale, a péri, comme les centaines de liquidateurs annonymes. Anastasia, sa mère, élève ses trois enfants avec une exceptionnelle bravoure. L'un est comme son père, un irrécupérable joueur de cartes, le second, mollasson plus que bon à rien, rêve de retour en Ukraine pour y conduire des tracteurs. Le dernier, Pavlov, révèle un troublant talent artistique. Pour la peinture, d'abord, puis pour la photo. Il rencontre Irina… leur amour catalyse son talent et transforme le jeune prodige en star mondiale de la photographie : Londres, New York, Paris ; partout on s'arrache ses oeuvres. D'abord sa série sur les poussières, puis celle sur les étoiles avant le succès "des foules". C'est alors l'heure de l'argent, des limousines, des hôtels de luxe, et des rencontres insolites. En un mot, l'itinéraire d'une étoile dans la société étrange des marchands d'art. Mais la chance tourne, elle que tous croyaient enfin là, laisse apparaitre le drame présent en filigranne depuis le début : les proches disparaissent rongés par la leucémie, ou abattus par la mafia et, par un inexplicable retournement de situation, la cote de l'artiste s'effondre. Ses visions chaotiques le reprennent. La chute s'arrêtera-t-elle ? L'amour de sa femme Irina et de sa mère Anastasia le sauvera-t-il du désastre ?

Bilan provisoire réunit toutes les qualités qui ont fait le succès du premier roman de Cyrille Putman, Premières pressions à froid : un humour décapant, une sensibilité et une gouaille sans égales au service d'un texte juste: l'observation de son univers familial et professionnel, au service de personnages farfelus et brillants. Un récit fort et très vivant, dont on sent toutefois la baisse de régime aux deux tiers du livre. Sans doute sait on alors que tout devra mal finir et qu'ainsi, on s'enchante moins, attendant la chute que l'on devine inévitable.
Un très bon roman, très riche et documenté, sur l'art contemporain, ses modes et models.
Je vous en colle un extrait, au tout début, vous allez voir, ça cogne...

Extrait:
Ils prirent connaissance de leurs premières victimes, un traitement à base de lait boosterait l'affaire, pensaient-ils. Les médecins mentaient ouvertement en disant que les victimes avaient été empoisonnées aux gaz. Les radiations n'étaient pas inscrites à l'ordre du jour. Elles mourraient toutes en quatorze jours, avec ou sans greffe de moelle osseuse. On ne saurait pas combien. Une grande et belle femme, pommettes saillantes, assez James Bond girl, vint au chevet de Vitalyï. Devant son état calamiteux, elle ordonna son transfert immédiat. Il fut enfin installé dans une chambre pressurisée. Un cube blanc derrière un plastique transparent. Le tout fermé par des bandes Velcro. Tout un programme. On pouvait lui dispenser des soins de l'extérieur, sans pénétrer dans la pièce. Son corps, rouge-brun, était couvert d'ampoules. Il perdait ses cheveux par poignées. Il se vidait de l'intérieur. Personne au monde n'avait jamais vu un être humain dans cet état-là. Sauf peut-être à Hiroshima. Il crachouillait de petits morceaux de poumons et de foie, en s'étouffant. L'infirmière n'osait le regarder, encore moins le toucher.

Une critique du roman sur le site de TV5
L'extrait et le Podcast ont été piqués sur le toujours riche site du Passage du Livre
Le podcasting des écrivains
Cyrille Putman - 04/01/2007
Télécharger le MP3


Des photographes ukrainiens, je ne connais que Kostine, photoreporter plus que photographe d'art: l'homme qui a témoigné de l'accident avec ses clichés mondialement célèbres.

Tchernobyl, Confessions d’un reporter
d'Igor Kostine et Thomas Johnson

Les Arènes
34.8€/240 pages

Surnommé 'l'Homme légendaire ' par le Washington Post, Igor Kostine est un témoin capital de la catastrophe de Tchernobyl. Le 26 avril 1986, quelques heures seulement après l'explosion, il survole la centrale. La radioactivité est si forte que toutes ses pellicules deviennent noires. Une seule photo pourra être sauvée: elle fera le tour du monde. Surpris par l'ampleur de la catastrophe et par le silence des autorités, Igor Kostine décide de rester sur place et de vivre au milieu des 800000 'liquidateurs' qui se succéderont sur le site de l'accident. Lui-même irradié, il n'aura de cesse, vingt années durant, de photographier la centrale et la zone interdite qui l'entoure. Son histoire se confond avec celle de Tchernobyl. Il a vu l'évacuation des villages, le désespoir et le courage des populations, la construction du sarcophage, les hommes déplaçant à mains nues des blocs radioactifs, les cimetières de machines, les jardins et les vergers contaminés redevenus des terres sauvages où l'homme n'a plus sa place... Pour la première fois, il raconte, en mots et en images. "Tous les films que je développais étaient noirs. Alors, j'ai emmailloté mes Nikon dans des plaquettes de plomb et découpé mes pellicules en bandelettes de vingt centimètres en variant le temps d'exposition. Aujourd'hui, quatre de mes appareils sont enterrés dans le cimetière des déchets radioactifs."


Les photographies d'Igor Kostine ont été publiées par les plus grands journaux et honorées par de nombreux prix dont deux 'World Press Photo'. Elles sont enfin réunies dans un ouvrage, et augmentées d'une centaine de clichés inédits. Traduit en dix langues, ce livre est l'un des témoignages les plus complets sur la catastrophe et ses conséquences. Un des plus durs aussi, car le recit s'étale jusque longtemps après la catastrophe, ses conséquences sur la population, entre autres.

le site d'Igor Kostine (âmes sensibles, certaines photos d'enfants difformes sont dures...)


C'est justement de ces enfants difformes, condamnnés autant qu'abandonnés, qu'il est question dans le roman de Mindszenti. Mais, d'une façon étonnante, c'est d'eux que vient la guérisson pour la narratrice-auteur.

Les Inattendus
d'Eva Kristina Mindszenti

Stock
11€/91 pages

Illustratrice et auteure pour la jeunesse, Eva Kristina Mindzenti est née en France liens: en 1974 d'un père hongrois et d'une mère norvégienne, tous deux artistes peintres. Encre de chiniste et photographe, elle vit et dessine à Toulouse.
Trois ans après le chute de l'Union Soviétique, le village de Hofehér, près de la frontière Slovaque, n'offre pas d'autre horizon à la jeune Klara que le verger de son jardin et l'hôpital...où elle se résout à travailler. Gràce à l'amour que lui portent les enfants malades et malformés à cause de Tchernobyl, la jeune femme se sent exister.
C'est le roman d'une femme, Eva Kristina Mindszenti, qui nous écrit d'un village de Hongrie, tout près de la frontière slovaque. Seule, ayant pour tout horizon le verger de ses parents, elle se résout à travailler à l'hôpital où demeurent les enfants handicapés, estropiés, mutilés par les suites de Tchernobyl. Elle les aime très vite, ces enfants qui n'auront pas le temps d'être malheureux, qui meurent à dix ans, ces enfants qui pleurent, parfois, parce qu'on ne leur rend plus visite. Elle les aime, car elle sait que ce sont eux qui vont la soigner et la soulager.

Entretien sur Inter dans la Librairie Francophone. Un témoignage assez touchant, qui replace ce très court roman dans son juste contexte de catharsis pour Mindszenti. D'une poésie rare.

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