3.4.07

Western et Temps de parole



Le débat aura lieu sur Internet ou ne sera pas. Le règlement de compte se fera en zone de non droit. Les porte flingues enchaînent les bains de bouche au Dextril. Ca pique plus que les lèvres en sang badigeonnées à la sauce samouraï d'un kebab mal controlé. Bref, ça va être violent et les mots vont voler aussi bas que le niveau de cette campagne. Pour se mettre dans le mood ‘monde moche- vulgarité- bassesses’, il n'est pas idiot de se fourrer la tête dans un bon western au fond duquel on ne pourra plus décoller les spaghettis.
Cette semaine, on lit Cormac McCarty. Et on aime ça.




Comme la majorité des livres de McCarthy, le pitch est propre et simple : dépouillé au point de foutre la trouille. Un roman résumable en 2 lignes implique obstination, endurance, et esthétique. Cette fois ci encore, on débarque en plein pulp-western.

Voici le début prometteur :
" Il abaisse les jumelles et examine le terrain tout autour. Puis il les relève. On dirait qu'il y a des hommes allongés par terre. Il enfonce ses bottes dans la rocaille et règle les jumelles. Les véhicules sont des camionnettes à quatre roues motrices ou des Bronco avec de gros pneus tout-terrain et des treuils et des rampes de projecteurs sur le toit. Les hommes ont l'air d'être morts. Il abaisse les jumelles. Puis il les relève. Puis il les abaisse et reste assis là où il est. Rien ne bouge. Il reste ainsi un bon moment. " Moss se rapproche, et ne rencontre que des morts et un agonisant demandant de l’eau. Ayant aperçu des traces de sang dans l'argile, il remonte la piste jusqu'à un nouveau macchabée. Il y a une lourde serviette contre le genou de l'homme mort. Quand il se décide enfin à la ramasser, Moss découvre qu'elle est pleine à ras bord de coupures de cent dollars, rangées par paquets entourés de rubans à billets, chaque paquet étant marqué d'un tampon indiquant un montant de dix mille dollars. " Sa vie tout entière est là devant lui. Jour après jour du matin au soir jusqu'à sa mort. Toute sa vie réduite à vingt kilos de papier dans une sacoche. "

Ce que l’extrait ne vous révèle pas, c'est qu’après s’être barré à toute vitesse avec le pognon Moss va revenir sur les lieux sachant, bien sûr, que c’est la pire des conneries… juste pour apporter de l’eau au mourant… Bien sur, il sera attendu. De la réplique qui cogne, encore. Des virages terribles et des scènes bien lourdes… Un champion du livre pop corn ce McCarthy

Mais c’est loin d’être son coup d’essai. Une trilogie terrible avait déjà bien fait du bruit…'De si jolis chevaux', 'Le Grand Passage', et 'Des villes dans la plaine'. Les histoires d'un changement de temps, entre l'Amérique des John Wayne rhumatisants et celle des Raisins de la colère teintés prohibition.



"1949. Parce que les choix de l'Amérique moderne condamnent leurs rêves d'aventure, John Grady Cole et Lacey Rawlins quittent le Texas et chevauchent vers le Mexique. Ils iront vivre ailleurs, au royaume des chevaux, pour célébrer avec une nature intacte des noces éternelles." Dit comme ça, on sent un « Brokeback Mountain » nous tomber dessus… et on a tort forcément, car tout est beaucoup plus violent… quand on déboule dans le Mexique de McCarthy.


'Des villes dans les plaines' (le seul que j'ai lu des trois en fait ;-)) clôt la Trilogie des confins commencée avec De si jolis chevaux et Le Grand passage. Cormac McCarthy remet en scène les deux jeunes cowboys, Billy Parham et John Grady, l'as du rodéo avec winchesters, lassos, chevaux, grands espaces et sierras du Nouveau Mexique. Une amitié fraternelle unit les deux hommes, que neuf ans séparent. Le roman commence en 1952, alors que les deux héros travaillent comme vaqueros dans un ranch de la région. L'exploitation est cernée au nord par Alamogordo et ses terrains militaires qui menacent toujours de s'étendre, et au sud par les montagnes du Mexique. Inéluctablement, le monde des cowboys est grignoté par les transformations de la société. Billy et John, poursuivant les troupeaux égarés, sentent cette disparition graduelle et les changements à venir. Ils rêvent d'un ailleurs, le Mexique. Ils traînent dans les bars et les bordels. Puis John Grady s'éprend d'une jeune prostituée mexicaine et épileptique, Magdalena. (La scène de la rencontre ferait rêver n'importe quel cinéphile). Il décide de la kidnapper et déclenche alors la tragédie.

Je vous parle rapidos du Méridien de sang qui lui est pas mal du tout, même bien plus judicieux à lire en ce moment, si on en regarde l'actualité du droit d'ingérence en Irak et tout le reste... Bref, on ne s'épenche pas politique, mais l'idée c'est qu'on veut le bien de tout le monde et qu'on flingue à tour de bras au nom de la morale... Ce roman se passe juste après la guerre entre le Mexique et les Etats-Unis entre les déserts du Texas et les rives du Pacifique. Le héros est un garçon de quatorze ans, qu'on appelle le Gamin. Il a des trous dans les bottes et les pieds qui puent et ça c’est important pour le coté western. Il a laissé sa famille dans le Tennessee pour rejoindre une bande d'irréguliers qui traquent les Indiens pour le compte du gouverneur de l'état mexicain du Chihuahua, comme la chanson de l’été. Cette bande de soldats pillent, brûlent et tuent. Et c'est assez costaud niveau scènes de viande. Mais quand ils arrivent dans le Colorado, ils se font massacrer par les survivants des Indiens yumas. En gros, tout le monde tue tout le monde, et les règlements de comptes s’enchaînent sans que les protagonistes ne choisissent vraiment d’y prendre part. Le gamin et le chef s’en veulent méchamment. Leur interminable poursuite débute au milieu des dunes de la Vallée de la Mort et se terminera vingt ans plus tard de manière grotesque et tragique dans le bordel d'une petite ville du Texas.
Une de mes phrases préférées, proférée par un vieil ivrogne:
"Y a quatre choses qui peuvent détruire le monde, dit-il: les femmes, le whisky, l'argent et les nègres..."

Revenons au duel de mots de nos cow-boys présidents à nous. Je repense au flow de Ségolène et je rigole. Car pour d'autres, les mots sont des balles qui se collent entre les deux oreilles des non croyants. Délit de grande vitesse pour Cyanure. Il sera flashé près de Lyon à 210 mots minutes. Bernard Pivot s'est fait virer de sa dictée pour moins que ça.

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