17.4.05

Tee Time

Il y a des romans qui vous obligent à les refermer et à lâcher un petit « arf, la vache, c’est costaud », tant les images percutent, tant les mots sont durs.
Et pourtant, encore un peu sonné, on le rouvre, le livre. Inconscient plus que courageux, on s’élance une seconde fois, et forcément, on s’en reprend une derrière l’oreille. " Train ", de Pete Dexter, a du punch.





Résumons très vite l’histoire.

Lionel Walk est un jeune noir de 18 ans, caddie dans un club de golf de Los Angeles, au tout début des années 50. Il gagne sa croûte comme il peut, en tentant le plus possible d’éviter les emmerdements. Comme fait exprès, il n’a rien pour l’aider : une mère miséreuse presque étrangère, remariée à un alcoolique violent, Mayflower, des supérieurs malhonnêtes, Sweet et Arthur, et bien sûr des clients golfeurs très riches, très excentriques, et surtout très racistes.
Parce qu’il est là le combat du livre. C’est l’histoire d’un type gentil et surdoué (un Tiger Woods en sandales et pantalons troués) qui se fait emporter dans le tourbillon de violence d’une société raciste et agressive.
Et c’est là aussi, du coup, le côté intéressant de ce livre : c’est traiter ce sujet très justement, intelligemment et avec beaucoup de finesse d’esprit, pour ne pas nous faire un énième pamphlet du bien contre le mal, de la misère et du bonheur… pas de leçon de morale à deux sous. Une simple histoire où tout se déroule malgré tout le monde, où la bonne volonté s’arrête où commence la nature humaine et où les gentils pourris sont tout aussi pourris que les méchants pourris. C’est une histoire sur la violence, celle des mots et des regards autant que celle des coups de flingues.

Je ne vais pas vous raconter toute l’histoire. Sachez juste que ce livre est formidable. D’une part parce que le personnage de Train (c’est Lionel dans le texte, tout simplement parce qu’à cette époque là, la grande marque de trains électriques pour enfant s’appelle « Lionel ».) , ce personnage donc est très joliment dessiné, en interrogation, en force, en abnégation surtout. Et que celui de Miller Packard (faudra lire, mais c’est « homme du lointain », celui dont le regard ne dit rien et à qui le sourire est un rictus ineffaçable, l’homme qui remarque le talent de Train pour le golf.). Ce Packard est d’une violence ! Sourde, cachée, mesurée mais pas maîtrisable pour autant… c’est à en couper le souffle. Quand j’ai lu l’article de Libé pour torcher mon bidule, je n’ai pu qu’être forcément d’accord avec l’auteur : « on pense tout le temps à Kevin Spacey ». C’est pile juste ! Bref. Un livre à lire.

Je suis tellement tombé amoureux du style clair, des dialogues tranchants et de l’ambiance noire, que j’ai lu aussi Paper Boy, plus ancien, dont je vous parlerai plus tard.

Pour info et aller plus loin :
L’article de Libé (et c’est bien vu)
http://www.liberation.fr/page.php?Article=287810

Une interview du vieux Pete
http://www.powells.com/authors/dexter.html

Bonne lecture
Bon lundi
Dash

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