Il y a deux jours, on décalquait du ruskov. Aujourd'hui, on déboulonne du ricain. Encore un bouquin d'Histoire? Perdu... 'd'histoires' plutôt... Ici, on brode, on déborde, on enjolive, mais on s'en fiche. La réalité est là, en dessous, mais le roman s'échappe un peu où il veut. On est à Hollywood...
L'auteur:
Marc Dugain est né au Sénégal en 1957. La chambre des officiers, son premier roman paru en 1998, a reçu dix-huit prix littéraires. Après Campagne anglaise et Heureux comme Dieu en France, La malédiction d'Edgar est son quatrième roman.
L'histoire:
Le portrait de John Edgar Hoover, célèbre patron du FBI durant près de cinquante ans. L'histoire de ceux que Truman Capote surnommait "Johnny and Clyde" est ici relatée à travers les mémoires imaginaires de son amant et adjoint Clyde Tolson. Ses souvenirs éparses y sont consignés, entremêlés de dialogues reproduits pour l'occasion, accompagnés de fiches et de documents divers. Au milieu de la multitude de personnages réels, se glissent des personnages de fiction, et nombre de répliques inventées. Un portrait aussi vrai qu'un portrait historique, et une peinture brute de la vie politique américaine et de ses scandales.
Après un joli prologue très bien écrit, nous plongeons directement dans le récit de Clyde Tolson, le plus fidèle serviteur de J. Edgar Hoover, directeur du FBI de 1924 à 1972. Grand paranoïaque, homosexuel refoulé, - ou pas -, il a façonné l'histoire des États-Unis. Il a suivi de près huit Présidents, constituté des centaines de dossiers brûlants et mis sur écoute la plupart des acteurs officiels et occultes du pays, dans le contexte passionnant de la guerre froide. Sont revus sous un angle particulier et privé, l'ascension de la famille Kennedy, l'appétit sexuel quasi-maladif de tous les hommes de cette famille, les prouesses et faiblesses de ses fils, l'investiture et l'attentat de J.F. Kennedy, ses rapports avec la Mafia, la catastrophe de la Baie des Cochons, l'exécution des Rosenberg, le mariage avec Jaqueline Bouvier, le meurtre-suicide de Maryline Monroe. Avec ce livre, les mythes américains s'effondrent les uns après les autres, énoncant tous les vices de l'Amérique toute puissante. 50 ans d'histoire du XXème revisité avec intelligence, lucidité et fluidité.
Mon avis:
Un très bon livre, tout simplement parce qu'il nous donne ce que nous aimons: un "presque possible", un "ç'aurait pu être vrai " de destin gigantesque, orienté vers le pouvoir et la peur, l'argent, la politique, les moeurs sulfureuses des grands de ce monde... Bref, toute la force de ce roman, car c'est bien un roman, est de nous plonger dans le plus grand des scénari hollywoodiens, en partant d'une base réelle, de faits avérés et de détails historiques fournis...
Car c'est avant tout ça, la prouesse... extrapoler des rumeurs, des impressions ou des présomptions en un tissu qui tient très bien la route. Tout cela orchestré dans les dialogues et les récits avec un réel mordant. On se retrouve à faire parler Hoover, à d'autres ou à lui-même et cela donne des choses impressionnantes, comme dans l'extrait que je vous ai mis en bas.
Seul petit bémol pour les allergiques à l'histoire ou à la politique: il faut avoir quelques bases ou alors se forcer à chercher et vérifier les mouvements politiques d'alors ou du moins les grandes lignes de cette époque épique, pour ne pas être complètement noyé. pas noyé certes, mais être un peu perdu, entre réalité et fiction, c'est surtout ça le plaisir de ce roman: ne pas chercher à savoir le vrai... juste avaler l'histoire de Clyde et d'Edgar.
Un extrait:
Je suis déçu, docteur, je me suis livré de bonne grâce à ce jeu d'investigation psychologique pour me retrouver accusé sans preuve des délits les plus saugrenus. Je vous ai parlé d'un problème que j'avais avec les femmes que je sacralise avec les meilleures intentions du monde en les installant sur un piédestal et vous transformez cette attitude supérieure en une déviance d'une effrayante vulgarité, en me relayant au niveau zéro de l'humanité. Si ce Freud est bien le maître de votre docteur, docteur, il est à ranger dans la catégorie des hommes qui menacent l'Amérique. Il ne manquerait plus que nous ayons un parti freudo-marxiste et la panoplie serait complète. (...) Bien, je crois qu'il est temps d'y aller. Une dernière chose que je ne vous pardonnerai jamais, votre soi-disant psychanalyse ressemble à s'y méprendre à un interrogatoire. Et sachez que personne n'a jamais eu l'audace d'interroger sur ce mode le directeur du FBI
Des liens:
un avis
puis un deuxième
extrait 1
extrait 2
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