7.5.05

Monstres et Compagnie

Vous avez trouvé mièvres "Les Choristes" ? Vous avez pesté contre le scénario tire larmes ? (ou Tire l'arme? Mais qu'est ce que j'ai fait de mon gun?). Le pensionnat comme renouveau pour affirmer l'autorité et éduquer les enfants façon 1930, vous trouvez ça stupide de fausse nostalgie ? Bienvenue dans le monde monstrueux de Jean Meckert

« Je suis un monstre » a été publié pour la première fois en 1952 aux éditions Gallimard dans la collection Blanche. Aujourd’hui, les éditions Joëlle Losfeld inaugurent avec ce titre, livre très réaliste, et « La marche au canon », la publication des inédits et introuvables de Jean Meckert, alias Jean Amila.

Un petit mot sur l'auteur:

Né en 1910, Jean Meckert passe une partie de son enfance à l’orphelinat puis commence à travailler en usine à 13 ans. Il fait différents petits boulots : magasinier, mécanicien, employé de garage… Prisonnier puis maquisard pendant la seconde guerre mondiale, il publie son premier roman, « Les coups » en 1942, encouragé par Gide, Queneau et Martin du Gard. Sous le pseudonyme de John Amila puis Jean Amila, il écrit pour la Série Noire de Marcel Duhamel plus de 20 romans policiers. Il aborde différents genres, littéraire, science-fiction, jeunesse, théâtre ou cinéma, il travaille avec Yves Allégret, André Cayatte ou Georges Lautner. Père spirituel de Didier Daeninckx, il évoque chaque fois ses thèmes favoris, le justice, l’engagement, la liberté. A la suite d’un voyage à Tahiti en 1971, il dénonce les essais nucléaires, ce qui lui vaut d’être tabassé. Partiellement amnésique, il est mort en mars 1995.

L'histoire:

Nous sommes dans un pensionnat de Savoie. Un adolescent communiste est assassiné par quatre de ses gentils camarades "popotins". La politique, à 14 ans dans les années 50, ça se règle à coups de cailloux. Narcisse, le jeune moniteur qui narre l'histoire, décide d'abord de maquiller le crime en accident... Ce qui arrange les coupables et le directeur. Mais ce personnage solitaire qui se décrit comme un "monstre", à la sexualité et aux valeurs incertaines, va peu à peu fuir la lacheté facile, fuir aussi le théâtral affrontement moral pour finalement affirmer sa solidarité avec les autres adolescents qui réclament justice et vont jusqu'à la révolte ouverte. Elle sera matée, Narcisse à sa tête sera expulsé, restera aux enfants à allumer un incendie vengeur et purificateur. On est loin du glamour de la culotte de velours...

Mon avis:

Si le recit à des côtés un peu lourds de par le décor mi Frison Roche, mi Club des 5, on ne reste néamoins pas insensible au questionnement du héros. Croire en la morale, ou pas, croire en quelquechose déjà: il intellectualise de trop et se fait mal... Le constat de l'inhumain, transpirant de ces enfants déjà adultes, mêlé à la déception et au mépris face à la lacheté de plus grands ont vite fait de vous mettre mal à l'aise. On est tous des monstres, c'est un peu la conclusion de ce roman noir, un chouilla anar, mais tellement bien écrit et loin des clichés éduco-nian-nian du père Jugnot et de son atmosphère joyeuse de l'après guerre. Je vous colle un extrait et vous invite à l'acheter, pour 10€50. Je me tourne quant à moi vers sa "marche au canon" qui semble encore plus noire et donc encore plus vraie. On va bien se marrer.

Extrait:

Il y eut un silence et le vent de nuit siffla dans les pins voisins et gonfla légèrement la chemise du gosse crevé. Un spasme me venait au ventre, comme une envie de me battre, comme une envie de théâtre ; j'aurais voulu avoir une arme et monter la garde, tirer sur quelque chose ou sur quelqu'un. Puis le sens des responsabilités reprit le dessus et je me dis qu'il fallait agir rapidement.
- Le mieux, dit Mathis, c'est de camoufler.


Quedale Mathis, le mieux, c'est de le lire...

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