"Aux couleurs de l'Angleterre" John KING chez L’ OLIVIER 384 pages 21 € - Sortie : 20/05/2005
L'auteur:
Un ovni. Un vrai de vrai pas pareil. Né en 1960, John King occupe aujourd'hui une place à part dans la littérature anglaise. Un écrivain punk: son refus de l'establishment littéraire londonien est légendaire, de même que son "populisme" hérité d'Orwell et de la tradition anarchiste. Ont paru, aux Éditions de l'Olivier: La Meute (2000), Human Punk (2003) et Football Factory (2004) pour les plus connus de ses travaux.
Biographie détaillée:
The Football Factory (1996)
Headhunters (1997)
England Away (1998)
Human Punk (2000)
White Trash (2001)
The Prison House (2004)
Skinheads (2005)
L'histoire:
(on situe le contexte, c'est le tome 3 de la Football Factory, mais cette fois on sort d'Angleterre)
Unis dans le même élan patriotique, «100 % Anglais, 100 % Chelsea», ils sont en guerre. Au pub de l'Unity, leur QG, Harry et sa bande ont mis au point leur programme. Prendre le ferry pour Amsterdam, beuveries, drogues, bagarres et coucheries, puis rejoindre en train Berlin pour assister au match Angleterre-Allemagne et défendre leurs couleurs à n'importe quel prix. Berlin est à feu et à sang mais la réputation anglaise est sauve. Bill Farrell, un vétéran de la Seconde Guerre mondiale qui connaît bien Harry et les autres - ils fréquentent le même pub -, est horrifié par ces hooligans et par le discours des journalistes présentant leurs bagarres comme une «guerre». Qu'ont-ils à voir avec le jeune soldat débarqué sur la côte normande en juin 1944 pour défendre fièrement la bannière de son pays?Aux couleurs de l'Angleterre, dernier volet d'une trilogie entamée avec le mythique Football Factory, raconte deux traversées de la Manche à cinquante ans d'intervalle et dresse un parallèle percutant entre guerre et hooliganisme. Cru, tantôt burlesque ou tragique, ce roman résolument politique dénonce la violence gratuite et l'opportunisme des médias.
Le ton est donné.
Mon avis:
Oui, ça parle football. Oui, si on croit qu'Aston Villa c'est de la musique, ben on est s'est gourré de bouquin... Il faut un petit bagage de sport à crampons pour suivre tout ça sans avoir le nez dans le dernier volets des Cahiers du Football. Il n'empêche que si on se donne la peine de se pencher sur ce qui est pour beaucoup un sport de beauf, y a des vérités sociales qui sautent à la tronche. Et King réussit là un très joli morceau, en mêlant dans ce décor, des histoires de gros cons bourrés à la bière, certes, mais aussi des histoires d'amour, des histoires d'honneur, des histoires de tristesse de peur ou d'ennui. On est bien loin des clichés, on est dans la photo. Et entre débarquement de 44 et déboulé de hooligans sur Berlin pour le mondial, il y a des choses bien trouvées.
Après, il faut aimer les dialogues à la hache et supporter les destins creux des accidentés de la vie. Il n'y a aucun jugement, aucun parti pris. Les choses sont montrées, posées, et c'est au lecteur d'y apporter un regard critique. En aucun cas, ce livre ne fait l'apologie de la violence ou ne tente de coller une étiquette sur ces néo-nazillons. Justement parce que ces brutes ne sont pas des xénophobes ou des racistes. Le racisme est inter-quartier, la haine est celle qu'on a contre soi-même autant que contre les autres. Pas non plus croire que King voudrait couper ces bêtes monstrueuses d'une partie de la population football... Ils sont là et comptent bien rester. On comprend au bout de quelques pages, que le foot en soi n'est pas un prétexte ou un alibi. Il est un lien, comme aurait pu l'être tout autre passion, pour exprimer l'identité, l'amitié et la recherche de de la peur et de la sensation d'être vivant...
J'ai véritablement adoré.
Des descriptions des quartiers chauds d'Amsterdam, de la ville de Berlin, jusqu'aux histoires de batailles à coups de rail de chemin fer... Le style cogne. L'histoire aussi.
Un livre pour qui aime bien se prendre des marrons. Dans la lignée de Human Punk ou de la Meute...
EXTRAIT de Football Factory
– Comment ça, elle est en cloque ?
– Eh bien voilà, mon grand. Les gars, tu sais, ont un bout de viande entre les jambes, et il se remplit de sang quand il renifle de la chatte. Du coup, la fille commence à mouiller, en voyant ça. Alors le gars, il met son bout de viande tout raide dans le trou entre les jambes de la fille, il remue d’avant en arrière pendant un moment, pour toi, deux ou trois secondes, et balance cette espèce de liquide blanc, épais comme du produit à vaisselle. Neuf mois plus tard, si tout se passe bien, un grafron sort en braillant, et le connard en question devra casquer pour lui pendant seize ans.
– Tu parles sérieusement ?
– ça marche comme ça, Mark. Je te mentirais pas. Pas sur des choses aussi importantes. Tu trouveras ça dans tous les livres de médecine, et dans presque tous les programmes de télé, même s’ils ne montrent pas tous les détails. C’est comme les abeilles et les oiseaux.
[…]
– Tu pourras lui acheter un maillot de Chelsea et l’emmener aux matches. Mais on ne te verrait plus beaucoup, hein ? Tu ne vas pas rentrer dans le chou des mecs de Tottenham avec un gamin sur les épaules.
Je me mets à rire. Rod me jette un coup d’œil mauvais et me demande ce qu’il y a de si drôle. Je lui réponds que je l’imagine en train de latter la gueule d’un Spur avec un môme sur les épaules pour diriger les opérations. Il pourrait devenir la mascotte de la bande. Non, il ne voit pas l’idée. Il secoue la tête. Moi, elle me plaît de plus en plus, mais je me tais. Il finira comme un de ces mecs qu’on voit le samedi dans Fulham Broadway, avec les cheveux gris tout décoiffés, et qui s’assoit dans la tribune familiale, entouré de chiards, pendant que les copains prennent du bon temps. Si Rod finit comme un de ces cons, je prends mon flingue et je le bute, pour le soulager de sa misère. Question de correction, comme le véto qui achève un pauvre animal. Sinon, il rejoindra le troupeau des morts-vivants.
Docu film
Arte, Mardi 7, 20 h 45. «Putains de hooligans !», un documentaire de Christophe Weber.
Un ciel si gris qu’on ne peut lui pardonner. Un ciel si bas qu’il fait la castagne. Manchester, Burnley, Liverpool. Décors à la Ken Loach. Le rouge des briques et le vert du gazon miteux. Des gosses qui jouent au foot dans la rue. Le foot, ce sport qui fait courir les uns et se massacrer les autres ? La question est évacuée dès le début du documentaire « Putains de hooligans ! » (à 20h40) par Andrew. C’est l’un des chefs de fil des Suicide Squads, un groupe de hooligans aux initiales qui font froid dans le dos. « The Firm » , comme ils disent. Une petite entreprise qui ne connaît pas la crise. Tant qu’il y aura des bières et de l’adrénaline pour faire voler en éclats, le temps d’une baston, des existences en cul-de-sac. Andrew, la boule à zéro et le regard crâne, le reconnaît volontiers : le foot, ça ne l’a « jamais vraiment intéressé ». Il n’a pas dû « regarder un seul match en entier de sa vie ». Lui, il regardait du côté où ça cogne et où ça saigne. Sage comme une image au fond du canapé familial, son fils l’écoute raconter cet amour de la violence « qu’on a en soi ou pas » , cette nécessité de défendre son « territoire », de faire la « guerre ». Christophe Weber, le réalisateur, progresse au cœur de cette violence comme on descend au cœur de la mine. Pour en extraire une vérité sociale, psychologique, philosophique. « Je suis parfaitement fou et, en même temps, je peux être un type adorable. Alors, où places-tu la limite ? », interroge un hooligan. Les mots cognent. Fort. Plus encore quand le commentaire, un peu trop écrit et trop présent au début, s’estompe au profit de ces uppercuts balancés face caméra. « Les supporters sont-ils insupportables ? », pour « Putains de hooligans ! », la réponse est dans la question. Mais le deuxième docu de la soirée, « Rugby attitude » (à 21h30), réalisé par Claire Denavarre et produit, comme le premier, par Doc en stock, est censé panser nos plaies et nos bosses. Bienvenue dans le monde merveilleux du ballon ovale. Là, les supporters du club de Biarritz coiffent les bérets et agitent les foulards rouges du pays. Ambiance bon enfant, voire carrément angélique. Sous le charme, la voix off ne retient plus sa tendresse pour ces supporters qui envahissent « gentiment » le terrain à la fin des matchs. Ici, pas question de faire mordre la poussière à l’adversaire. Tout au plus, « quelques noms d’oiseaux » échappent-ils aux uns et aux autres. Le rugby ? Un sport de voyou pratiqué par des gentlemen. Au final, une soirée un poil manichéenne, comme un match entre méchants hooligans et gentils amateurs de mêlée
l'avis de Libé sur cette soirée
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